Vole, petit papillon, et va noircir son cœur ! - Nuage de Papillons [TERMINEE]

Histoire -          Tous les rêves qu’effleure Nuage de Papillons s’évaporent en une fumée incolore et s’en vont rencontrer le Clan des Etoiles. C’est l’effet papillon, le cœur noir d’encre qui aspire le jais de la nuit, le toucher de velours qui tue et qui pleure.
         Père mourut avant sa naissance. Une ombre de plus dans l’immensité du ciel, un cadavre sur une route, un chat trop tête brûlée, qui pendant une patrouille, n’avait pas vu le monstre bouillant et coloré qui s’était élancé. On racontait à Nuage de Papillons que Père était quelqu’un de bien, un bon matou bien portant, loyal et fier de faire parti du Clan de l’Obscurité.
         Mère ne mourut pas, mais c’était tout comme. Elle était un fantôme oublié, une brisure d’âme cachée à l’intérieur du Coin des Anciens, frêle et fragile et plus morte encore que Père. Le décès de son compagnon fut suffisant pour l’abattre, et rien ne lui donna assez de courage pour s’occuper de son enfant, quand elle le vit aussi noir que son amour perdu, avec les mêmes deux yeux jaunes, perçants, qui avaient l’habitude de rire et de lui dire « Tout ira bien, Mélodie des Feuilles, je suis là pour nous protéger : je t’aime. » Mère ne pouvait pas se relever, elle avait pourtant essayé, mais la vie l’avait emportée au loin. Elle était un cadavre à peine existant, terré parmi les plus vieux, dont le regard vitreux ne pouvait se poser sur sa seule progéniture.
         Dans la petite famille, il y avait Grand Frère. Grand Frère avait été là, bien sûr. Il avait pris soin de Papillon quand celui-ci était tout chaton, lui avait apporté un peu de bonheur, l’avait aidé à étendre ses ailes minces et fragiles. Il avait même crié avec indignation sur Mère quand celle-ci avait refusé de s’occuper de lui. Même si la déchirure de la mort de son père était bien là, il avait envie de vivre et de se battre pour l’existence de sa famille. Pourtant, quand le jour d’une bataille contre le Clan de la Tempête arriva, Grand Frère eut beau se débattre face aux crocs qui se plongèrent et aux griffes qui lacérèrent, il ne put finalement rien faire contre la vie qui lui échappait. Une guerrière eut raison de lui, raconta-t-on partout au camp, alors que Papillon écoutait, transi, les larmes lui brûlant vivement les yeux ; une guerrière du Clan de la Tempête l’avait pris à part, avec son apprenti, et l’avait déchiré, massacré, réduit à un autre tas de poussière d’étoile.
         Papillon s’était retrouvé seul et vide et pris par une incontrôlable envie de se venger. Le petit venait à peine d’être nommé apprenti, mais il avait tout perdu. Père, Père qu’il aimait mais détestait pour avoir abandonné sa famille, Grand Frère, Grand Frère qui l’avait chéri et qui, malgré ses erreurs, avait continué de lui vouer un amour inconsidérable, et Mère, Mère qui ne le regardait jamais, Mère qui était elle-aussi partie, Mère qui gisait sur le sol de la Tanière des Anciens, morte et vivante en même temps. Il n’y avait rien, à part Papillon, Petit Papillon devenu un Nuage prêt à hanter cette Terre, qui restait néanmoins une boule d’encre tâchant ses proches et son environnement de son horrible couleur de jais. Il ne se blâma pas, bien sûr, il n’avait rien fait, il n’était pas cette voiture ni cette guerrière et son apprenti, encore moins le chagrin écrasant qui affaiblissait Mère.
         C’était simplement l’effet Papillon.